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THUCYDIDE, LIV. VI.

Chap. 87. » Que nul de vous, Camarinéens et autres habitans de la Sicile, ne prête une oreille crédule aux imputations des Syracusains. Nous avons dit la vérité tout entière sur les soupçons répandus contre nous : pour achever de vous persuader, je vais me résumer en peu de mots. Nous affirmons donc que nous avons pris l’empire sur les alliés de notre pays pour n’être soumis à personne, que nous offrons la liberté à nos alliés de Sicile pour qu’ils ne nous nuisent pas, et que nous avons beaucoup à faire parce que nous avons beaucoup à craindre. De tout temps nous avons secouru ceux d’entre vous qui étaient opprimés, et nous venons les secourir encore, non pas de nous-mêmes, mais parce qu’on nous appelle. Ne vous érigez pas en juges de notre conduite, et n’essayez pas, censeurs à contre-temps, de nous détourner de nos desseins. Si notre activité et notre caractère tout-à-la-fois peuvent vous servir, acceptez nos offres et profitez-en. Croyez que ce défaut qu’on nous reproche, loin de nuire également à tous, présente de grandes ressources à la plupart des Hellènes. Partout, et dans le pays même où nous ne nous trouvons pas, celui qui veut opprimer et celui qui craint l’oppression s’attendent également, l’un à recevoir des secours pour prix de sa soumission a Athènes, l’autre, si nous arrivons, à ne pouvoir sans risque exécuter son projet ; d’où il résulte que l’un est forcé malgré lui à la modération, et que l’autre est sauvé sans qu’il lui en coûte. Ne repoussez donc pas un avantage commun à tous ceux qui le réclament, et qui s’offre maintenant à vous ; mais, établissant une comparaison entre votre sort et celui des autres, au lieu de vous tenir toujours en garde contre les Syracusains, unissez-vous à nous pour les attaquer enfin vous-mêmes. »

Chap. 88. Ainsi parla Euphémus. Les habitans de Camarine étaient partagés entre deux affections différentes : d’un côté, ils avaient de la bienveillance pour les Athéniens, autant du moins qu’ils le pouvaient, soupçonnant que l’expédition avait pour but l’asservissement de la Sicile ; de l’autre, toujours en différends avec Syracuses au sujet des limites, et craignant que cette ville, dont ils étaient si voisins, seule et sans leur secours ne triomphât d’Athènes, ils lui avaient d’abord envoyé quelque peu de cavalerie, avec l’intention de l’aider davantage dans la suite, quoiqu’avec réserve. Cependant, pour ne pas se montrer, dans les circonstances présentes, moins portés pour les Athéniens, surtout après l’avantage que ceux-ci venaient d’obtenir, ils crurent, dans leur réponse, devoir traiter avec égalité les deux partis. Fixés à cette résolution, ils répondirent que, la guerre s’étant élevée entre deux peuples alliés, ils croyaient, par respect pour les sermens, devoir rester neutres. Les députés d’Athènes et ceux de Syracuses se retirèrent.

Pendant que les Syracusains se disposaient à la guerre, les Athéniens campés à Naxos négociaient avec les Sicules, pour en attirer le plus grand nombre à leur parti. Ceux des Sicules qui, sujets de Syracuses, étaient plus du côté des plaines, ne les accueillirent point ; ceux qui habitaient l’intérieur des terres, et dont l’installation était plus ancienne, s’empressèrent presque tous de se déclarer pour Athènes, et apportèrent à l’armée des vivres, et quelques-uns même de l’argent. Les Athéniens marchèrent contre ceux qui n’embrassaient pas leur cause, forcèrent les uns à s’y joindre, empêchèrent les autres de recevoir la garnison’et les secours qui leur venaient de Syracuses. Pendant l’hiver, ils se portèrent de Naxos à Catane, ré-