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THUCYDIDE, LIV. VI.

cité, firent décréter qu’on ne recevrait pas les Athéniens. Ceux-ci restèrent treize jours devant la place ; mais, souffrant des rigueurs de la saison, manquant du nécessaire, et ne voyant rien réussir, ils retournèrent à Naxos, palissadèrent leur camp, s’établirent en quartiers d’hiver, et dépêchèrent à Athènes des trirèmes, pour demander que l’argent et la cavalerie leur fussent envoyés au printemps.

Chap. 75. Les Syracusains profitèrent aussi de l’hiver pour construire, près de la ville et sur toute la partie qui regarde Épipoles, un mur qui renfermait le Téménite, craignant, en cas d’échec, que le circuit très étroit de la ville ne fût trop facile à renfermer d’un mur de circonvallation. Ils renforcèrent d’une garnison et Mégares et l’Olympium, et garnirent la côte de palis à tous les endroits abordables. Sachant que les Athéniens hivernaient à Naxos, ils se portèrent avec toutes leurs forces contre Catane, dévastèrent une partie du territoire, mirent le feu aux tentes et aux retranchemens, puis retournèrent chez eux. Ils envoyèrent aussi à Camarine, sur la nouvelle qu’Athènes y députait pour attirer les habitans à son parti, en réclamant l’exécution du traité fait du temps de Lachès. Ils soupçonnaient les Camarinéens de n’avoir pas fourni de bon cœur les premiers secours et de ne vouloir plus en donner à l’avenir : peut-être, témoins de la supériorité des Athéniens, et cédant au penchant d’une ancienne amitié, se rangeraient-ils de leur parti. Hermocrate arriva de la part des Syracusains, et Euphémus de la part des Athéniens ; chacun avait ses collègues. Il y eut des conférences ; Hermocrate, pour prendre les devans sur les envoyés d’Athènes, tint ce discours :

Chap. 76. « Ce n’est pas dans la crainte que l’aspect des forces arrivées d’Athènes ne vous effraie, qu’on nous a députés vers vous : nous appréhendions bien plus qu’avant de nous entendre vous ne fussiez séduits par les discours que vont vous adresser les Athéniens. Ils viennent en Sicile sous un prétexte que vous connaissez, mais avec une intention que nous soupçonnons tous. Je crois qu’ils veulent moins affermir les établissemens des Léontins, que nous chasser des nôtres. Il n’est pas nature en effet de dépeupler les villes de l’Hellade, et d’en fonder dans la Sicile ; de s’intéresser, à raison des liens de consanguinité, aux Léontins, qui sont Chalcidiens, et de tenir asservis les Chalcidiens de l’Eubée, dont ceux-là sont une colonie. Mais ils veulent user contre les Léontins des mêmes moyens qui leur ont servi contre les Chalcidiens. Après avoir, dans le seul but avoué de châtier le Mède, persuadé aux Ioniens et à tous les alliés, qui tiraient d’eux leur origine, de les reconnaître pour chefs, ils les subjuguèrent tour à tour, les uns, disaient-ils, parce qu’ils avaient abandonne l’armée, les autres parce qu’ils se faisaient une guerre mutuelle, d’autres encore sous mille prétextes spécieux. Ils n’ont pas plus combattu le Mède pour la liberté des Hellènes, que les Hellènes n’ont défendu leur liberté : mais les uns ont pris les armes pour qu’on leur fût asservi plutôt qu’au Mède ; les autres ont repoussé le Mède pour se donner un maître qui est, non pas plus stupide, mais plus pervers dans sa politique.

Chap. 77. » Nous ne venons pas faire le détail de toutes les injustices des Athéniens : il est trop facile de les accuser ; ce que nous pourrions dire vous est trop connu. C’est nous-mêmes plutôt que nous accuserons, nous qui avons l’exemple des Hellènes du continent, nous qui savons qu’ils furent asservis, faute de