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THUCYDIDE, LIV. VI.

cription, où sont rappelés les attentats des tyrans, ne signale aucun enfant de Thessalus ni d’Hipparque, mais en nomme cinq d’Hippias. Il les eut de Myrrhine, fille de Callias, qui lui-même était fils d’Hypérochide. Vraisemblablement Hippias, étant l’aîné, fut marié le premier ; sur la colonne il est inscrit le premier après son père, et cela devait être, puisqu’il lui succéda en qualité d’aîné. Hippias fût difficilement, je crois, resté en possession de la tyrannie, s’il s’en était emparé le jour même du décès d’Hipparque, supposé mort souverain. Qui ne voit que s’il se maintint dans la souveraineté, il le dut aux mesures sans nombre prises pour sa sûreté, au soin qu’il avait eu dès long-temps de se rendre redoutable aux citoyens et de s’entourer d’une garde qu’il savait choisir ? Il ne se trouva pas dans l’embarras qu’il aurait éprouvé, s’il avait été le plus jeune, et qu’auparavant il n’eût pas joui constamment du pouvoir. Mais, Hipparque étant devenu célèbre par son malheur, on a cru qu’il avait régné.

Chap. 56. Il parvint, comme il le projetait, à outrager cruellement Harmodius, afin de punir ses refus. Harmodius avait une jeune sœur : invitée à venir porter une corbeille dans une fête, elle se présenta, et fut honteusement chassée : on soutint qu’on ne l’avait pas mandée, et que d’ailleurs elle n’était pas d’une naissance à remplir cette fonction. Cette insulte irrita vivement Harmodius ; Aristogiton, par l’amour qu’il portait à ce jeune homme, la ressentit plus vivement encore. Ils firent toutes leurs dispositions de concert avec ceux qui devaient les seconder, ils attendirent, pour l’exécution, la fête des grandes Panathénées, le seul jour où l’on voyait sans défiance quantité de citoyens en armes pour former le cortége de la cérémonie. Ils devaient eux-mêmes porter les premiers coups, et le reste des conjurés les aiderait aussitôt à se défendre contre les gardes. Pour plus de sûreté, ils firent entrer peu de monde dans la conjuration. Ils comptaient bien qu’au premier signal donné, ceux même qu’ils n’auraient pas prévenus saisiraient l’occasion de recouvrer leur liberté, surtout se trouvant les armes à la main.

Chap. 57. Le jour de la fête étant arrivé, Hippias, avec ses gardes, rangeait le cortége dans le Céramique, hors de la ville. Déjà s’avançaient, pour le frapper, Harmodius et Aristogiton, armés de poignards, quand ils virent l’un des conjurés s’entretenir avec lui : car il se laissait aborder. Effrayés, se croyant dénoncés et au moment d’être arrêtés, ils voulurent se venger d’abord, s’il était possible, de celui qui les avait insultés et réduits à cette extrémité. Soudain ils courent aux portes, s’élancent dans la ville, et, trouvant Hipparque dans l’endroit nommé Léocorium, ils se jettent sur lui à l’improviste, et tous deux devenus furieux, l’un par jalousie, l’autre par le ressentiment de son injure, ils le frappent et le tuent. Aristogiton parvient d’abord à se soustraire aux gardes ; mais la foule accourt, il est pris et maltraité. Harmodius fut tué sur-le-champ.

Chap. 58. Hippias reçoit la nouvelle dans le Céramique. Aussitôt il se transporte, non sur le lieu de la scène, mais vers les citoyens armés qui accompagnaient la pompe, et qui étaient à quelque distance ; il les joint avant qu’ils aient rien appris, se compose un visage qui ne témoigne rien de relatif à l’événement, et leur ordonne de gagner, sans armes, un endroit qu’il leur montre. Ils s’y rendent, dans l’idée qu’il a quelque chose à leur communiquer. Alors, donnant ordre à ses gardes de les désarmer, il choisit et fait arrêter ceux qu’il