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THUCYDIDE, LIV. V.

voulaient, à traiter avec eux aux mêmes conditions qui les unissaient auparavant. Les députés cependant les amenèrent à consentir à ce qu’il fût conclu, pour le présent, une alliance de cinquante années ; il serait permis pourtant à celle des deux nations qui le voudrait, soit Argos, soit Lacédémone, pourvu qu’elle ne prît un temps ni de contagion ni de guerre, de provoquer l’autre, et de combattre pour la possession de ce territoire, comme autrefois l’avaient fait les deux partis, se disant tous deux victorieux ; mais on ne pourrait se poursuivre au-delà des frontières de l’Argolide et de la Laconie. Ces propositions semblèrent d’abord ridicules aux Lacédémoniens : néanmoins voulant, à quelque prix que ce fût, avoir les Argiens pour amis, ils accédèrent à la demande, et le traité fut dressé : mais, avant de le ratifier, ils voulurent que les députes retournassent à Argos, afin de le communiquer au peuple ; et, s’il en agréait les conditions, qu’ils revinssent, aux fêtes d’Hyacinthe, les confirmer par serment. Les députés se retirèrent.

Chap. 42. On était occupé dans Argos de ces négociations, quand Andromène, Phédime et Antiménidas, députés de Lacédémone, qui devaient recevoir des Béotiens Panactum et les prisonniers, pour les rendre aux Athéniens, trouvèrent la place rasée par les Béotiens eux-mêmes. Ceux-ci s’excusaient sur le prétexte qu’autrefois, à la suite de leurs différends avec les Athéniens au sujet de cette même place, ils avaient réciproquement juré que ni les uns ni les autres ne l’occuperaient, mais qu’ils la posséderaient en commun. Quant aux prisonniers athéniens, Andromène et ses collègues, les ayant reçus des mains des Béotiens, les reconduisirent à Athènes et les rendirent. Ils y annoncèrent la destruction de Panactum, croyant remplir ainsi l’obligation de le rendre, puisqu’il n’y logerait plus d’ennemis de cette république. Mais les Athéniens ne purent les entendre sans indignation : le démantélement de cette place, qui devait être remise en bon état, était à leurs yeux un outrage de la part de Lacédémone ; et ils regardaient comme une autre injure que cette république eût contracté une alliance particulière avec les Béotiens, après avoir pris l’engagement de contraindre en commun à la trève ceux qui refuseraient d’y accéder. Ils énuméraient tous les autres points de la convention qu’elle n’avait pas observés ; et se croyant trompés, ils firent aux députés une réponse très dure en les congédiant.

Chap. 43. À la faveur de ces contestations entre Athènes et Lacédémone, ceux des Athéniens qui, de leur côté, voulaient rompre la trève, y travaillèrent avec ardeur. Parmi eux se distinguait Alcibiade, fils de Clinias, qui, par son âge, n’eût encore été considéré que comme un enfant dans une autre république, mais à qui l’éclat de sa naissance attirait des hommages. Il pensait que le meilleur parti était de s’unir avec Argos. De plus, sa fierté naturelle le rendait contraire aux Lacédémoniens ; il était piqué de ce qu’à la considération de Nicias et de Lachès, ils avaient conclu la trève, méprisant sa jeunesse, et lui refusant les honneurs dus à l’antique hospitalité qui l’unissait à leur république. Son aïeul, à la vérité, y avait renoncé ; mais lui-même se flattait de l’avoir renouvelée par les services qu’il avait rendus aux prisonniers de Sphactérie. Croyant donc que de toutes parts on attentait à ses priviléges, alors, pour la première fois, il représenta les Lacédémoniens comme des hommes peu sûrs, qui n’avaient traité avec Athènes que pour réduire les Argiens à la faveur de