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THUCYDIDE, LIV. V.

méfaits et que ses calomnies obtiendraient moins de créance. Mais quand ils ne furent plus, les citoyens qui, dans ce temps-là, avaient le plus grand désir de procurer la prééminence chacun à sa république, Plistoanax, fils de Pausanias, roi de Lacédémone, et Nicias, fils de Nicératus, le général de son temps qui avait le plus de succès, montrèrent un penchant décidé pour le repos. Nicias, qui n’avait pas encore essuyé de revers, voulait mettre ses prospérités à l’abri ; pour le moment, se délasser de ses fatigues et procurer du repos à ses concitoyens, et, pour l’avenir, s’assurer la réputation de n’avoir jamais trompé l’espoir de l’état : il sentait bien que ces heureux résultats étaient assurés pour quiconque, écartant les dangers, ne s’abandonnait pas aux hasards de la fortune, et que la paix seule procurait une entière sécurité. Pour Plistoanax, ses ennemis le tourmentaient au sujet de son retour d’exil : toujours prêts à éveiller les scrupules des Lacédémoniens à chaque revers, comme si leurs mauvais succès n’avaient d’autre cause que ce rappel, qu’ils traitaient d’illégal. Ils l’accusaient, ainsi qu’Aristoclès son frère, d’avoir gagné la prêtresse qui rendait des oracles chez les Delphiens, et d’avoir long-temps fait donner pour réponse aux théores venant de Lacédémone consulter l’oracle, qu’ils eussent à rappeler chez eux, des terres étrangères, la race du demi-dieu fils de Jupiter ; sinon qu’ils laboureraient avec un soc d’argent. Ils prétendaient qu’étant allé demeurer au Lycée lorsqu’il fut banni pour s’être retiré de l’Attique, gagné, disait-on, par des présens, et qu’ayant, par crainte des Lacédémoniens, habité, depuis dix-neuf ans, la moitié des bâtimens dépendans de l’hiéron de Jupiter, il avait enfin décidé sa république à le ramener avec des chœurs et des sacrifices pareils à ceux qu’on avait institués pour l’inauguration des rois lors de la fondation de Lacédémone.

Chap. 17. Affligé de ces propos hostiles, il crut que, dans la paix, quand les Lacédémoniens, à l’abri des adversités, auraient recouvré leurs prisonniers, il cesserait d’être en butte aux persécutions de ses ennemis, tandis qu’en temps de guerre, les chefs ne pouvaient manquer, au premier échec, d’être calomniés. Il travailla donc avec ardeur à un accommodement. Pendant l’hiver on porta des paroles de paix ; et dès le printemps, les Lacédémoniens affectèrent de faire des préparatifs et de se mettre en mouvement, et envoyèrent dans toutes les villes, comme s’ils eussent voulu construire dans l’Attique des fortifications ennemies ; mais ils voulaient seulement rendre les Athéniens plus traitables. Enfin, après bien des conférences et bien des réclamations de part et d’autre, on convint que chacun rendrait ce qu’il avait pris pendant la guerre, et que les Athéniens garderaient Nisée. Ceux-ci avaient réclamé Platée, et les Thébains avaient répondu qu’ils garderaient cette place, parce que les habitans s’étaient jetés dans leurs bras par suite d’une convention libre, et non par contrainte ni par trahison ; Nisée, par les mêmes raisons, devait rester aux Athéniens. Les Lacédémoniens convoquèrent leurs alliés : tous furent d’accord sur les articles, et les confirmèrent de leurs suffrages, excepté les Béotiens, les Corinthiens, les Éléens et les Mégariens, et d’autres à qui ce traité ne plaisait pas. Les Lacédémoniens et leurs alliés le consacrèrent par des cérémonies religieuses, et par les sermens qu’ils prêtèrent aux Athéniens ; ceux-ci remplirent envers les Lacédémoniens les mêmes formalités. Voici la teneur du traité :