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THUCYDIDE, LIV. IV.

par une colonie d’Andriens, qui, longeant le canal même, regarde la mer d’Eubée : elle renferme aussi Thyssus, Cléones, les Acrothoens, Olophyxus et Dium, cités habitées par des races mélangées de barbares, qui parlent deux langues, et de plus par quelques Chalcidiens : mais le plus grand nombre des habitans de l’Acté se compose de Pélasges tyrrhéniens, qui habitèrent jadis Lemnos et Athènes ; de Bisaltes, de Crestoniens et d’Édoniens. Ces peuples, distribués en petites villes, se donnèrent la plupart à Brasidas, à la réserve de Sané et de Dium, dont il ravagea les campagnes.

Chap. 110. Les habitans n’écoutant aucune proposition, il court attaquer Torone, ville chalcidique qu’occupaient les Athéniens, et où l’appelait une faction peu nombreuse, prête à la lui livrer. Il arrive de nuit, un peu avant l’aube du jour ; et, sans être aperçu ni de ceux des habitans qui n’étaient pas de son parti, ni de la garnison athénienne, il campe près de l’hiéron des Dioscures, à la distance de trois stades au plus de la ville. Ceux qui étaient d’intelligence avec lui, instruits de sa marche, s’avancèrent secrètement et en petit nombre, épiant le moment de son arrivée. Ils le devinent : aussitôt ils prennent avec eux sept hommes de ses troupes légères, armés de poignards, les seuls entre vingt guerriers nommés pour ce coup de main, qui ne craignirent pas d’entrer dans la place, sous la conduite de Lysistrate d’Olynthe. Ils s’introduisirent par la muraille qui est du côté de la mer ; sans être aperçus, montèrent à la ville, tuèrent les soldats du corps-de-garde le plus élevé, car la ville était adossée à un monticule, et brisèrent la petite porte qui faisait face au promontoire Canastréum.

Chap. 111. Brasidas, après s’être un peu avancé, s’arrête avec le reste de ses troupes. Il envoie en avant cent peltastes, qui, les premiers, se précipiteraient dans la place aussitôt que quelques portes s’ouvriraient et que le signal serait donné. Le signal se fait attendre : les peltastes, impatiens et surpris, se trouvèrent peu à peu tout près de la ville. Cependant les habitans de Torone, entrés avec les soldats de Brasidas, faisaient au dedans leurs dispositions. Quand la petite porte eut été rompue, et qu’ils eurent brisé la barre de celle qui donnait sur le marché, ayant fait faire un circuit à quelques-uns d’entre eux, ils les introduisirent par la petite porte, pour effrayer des deux côtés les gens qui n’étaient pas dans le secret. Ensuite, selon la convention, ils élevèrent le feu du signal, et alors firent entrer, par la porte du marché, le reste des peltastes.

Chap. 112. Brasidas, voyant s’exécuter les manœuvres dont on était convenu, donna l’ordre et accourut avec son armée. Les soldats en foule, poussant de grands cris, répandirent l’effroi dans la ville. Les uns se jetaient précipitamment dans la place par les portes ; les autres montaient en passant par dessus des poutres carrées, destinées à élever des pierres, et qui se trouvaient auprès d’une partie de mur tombée qu’on rétablissait. Brasidas, avec le gros de son armée, se porta dans l’instant aux endroits les plus élevés de la ville, voulant en assurer d’une manière décisive la conquête. Le reste des troupes se répandit dans tous les quartiers indistinctement.

Chap. 113. Pendant ce temps, la multitude s’agitait, ne sachant rien du complot ; mais ceux qui en étaient instruits et à qui plaisait la révolution, se mêlèrent à l’instant avec les étrangers qui venaient d’entrer dans la place. Les Athéniens, dont cinquante hoplites couchaient dans l’agora, apprirent ce qui se pas-