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THUCYDIDE, LIV. IV.

avait aussi ordre de déclarer nettement qu’ils ne sortiraient pas de la Béotie, puisqu’ils étaient sur un territoire qui leur appartenait et qu’ils avaient conquis les armes la main ; et que, suivant les antiques lois, ceux qui traitaient pour recueillir leurs morts devaient obtenir la permission de les enlever.

Chap. 99. Les Béotiens croyaient bien les Athéniens maîtres de l’Oropie, sur le territoire de laquelle étaient les morts, puisque le combat s’était livré sur les confins ; mais, jugeant aussi qu’ils ne pouvaient les enlever malgré eux, ils répondirent : « Si vous êtes dans la Béotie, retirez-vous de nos terres avec ce qui vous appartient. Vous croyez-vous chez vous ? vous savez ce que vous avez à faire, et dans ce cas probablement nous n’avons pas de propositions à vous adresser, relativement à un territoire qui nous serait étranger. » En leur disant d’emporter ce qu’ils revendiquaient, mais à condition qu’ils se retireraient, les Béotiens croyaient avoir fait une réponse raisonnable. Le héraut d’Athènes n’en reçut pas d’autre et se retira sans avoir rien fait.

Chap. 100. Aussitôt les Béotiens mandèrent du golfe Maliaque des guerriers armés de javelots et de frondes. Il leur était survenu, après la bataille, deux mille hoplites de Corinthe, la garnison péloponnésienne sortie de Nisée, et des Mégariens. Avec ces renforts, ils marchèrent sur Délium et en commencèrent le siége. Entre les différens moyens qu’ils employèrent, ils firent approcher une machine qui les rendit maîtres de la place : c’était une grande vergue sciée en deux, creusée intérieurement dans toute sa longueur, et dont les deux moitiés, rapprochées ensuite et bien unies ensemble, formaient une espèce de longue flûte : à l’extrémité de la vergue, on ajusta un tube de fer (ou bec de soufflet), lequel inclinait vers une chaudière suspendue au même endroit à l’aide de chaînes ; et presque tout le bois dont se composait la machine était recouvert de fer. Amenée de loin sur des chariots, cette machine fut dirigée vers la partie du mur d’enceinte qui était principalement construite avec des madriers et du bois ; et quand elle en fut près, les assiégeans firent jouer de grands corps de soufflets adaptés par eux à l’extrémité de la vergue qui se trouvait de leur côté. L’air, comprimé dans le tuyau de fer (bec de soufflet) et fortement chassé vers la chaudière, qu’on avait remplie d’un mélange de charbon, de bitume et de soufre, produisit une grande flamme qui embrasa les fortifications. Personne n’y restant, tous les abandonnant et fuyant, elles furent emportées. Une partie de la garnison périt ; on fit deux cents prisonniers ; la plus grande partie du reste se réfugia sur la flotte et retourna dans l’Attique.

Chap. 101. Délium fut pris dix-sept jours après la bataille. Le héraut des Athéniens, ne sachant rien de ce qui s’était passé, vint peu de temps après réclamer encore une fois les morts ; on les lui rendit sans lui rien apprendre. Les Béotiens avaient perdu dans la bataille un peu moins de cinq cents hommes ; les Athéniens un peu moins de mille : de ce nombre était Hippocrate. Peu après cette affaire, Démosthène, n’ayant pas réussi dans l’objet de sa navigation, qui était de prendre Siphes par intelligence, fit une descente dans la Sicyonie, ayant sur sa flotte quatre cents hoplites tant acarnanes qu’agréens et athéniens. Avant que tous les vaisseaux eussent abordé à la côte, les Sicyoniens accoururent, mirent en fuite les guerriers descendus, les poursuivirent jusqu’à leurs bâtimens, tuèrent ceux-ci, firent ceux-là prisonniers, dressèrent un trophée et rendi-