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empereurs, ont essayé de traiter ces matières difficiles. Ce que nous en lisons aujourd’hui peut nous faire supposer qu’on avait réuni un grand nombre d’exemples et de faits, et qu’on en déduisait ensuite des maximes.

Annibal sifflait un de ces docteurs militaires qui, le papier et le crayon à la main, osait discourir avec lui sur les grandes opérations de la guerre. C’est que le génie ne connaît point d’entraves ; que l’esprit mathématique, si nécessaire pour la rectitude des idées qui sont accessibles à nos sens, ne peut plus servir de guide dans ces hautes spéculations qui dépassent les bornes de notre intelligence. Ce docteur plaçait Annibal dans le cercle tracé par Popilius ; le grand homme n’y voulait pas rester.

L’ordre général des Grecs consistait dans la ligne pleine avec de très petits intervalles entre les principales divisions. Cette ordonnance est à la fois la plus compliquée et la plus aisée à expliquer dans ses moindres détails. Comme il devient absolument nécessaire, pour l’intelligence des auteurs que nous nous proposons de publier, de donner le mécanisme de la formation et de la composition d’une armée grecque, nous allons le faire d’après la tactique qui nous est parvenue sous le nom d’Élien et sous celui d’Arrien.




CHAPITRE IV.


Organisation de la Phalange.


L’objet le plus essentiel dans l’art de la guerre est de mettre en ordre une foule d’hommes qui se rassemblent ; de les distribuer en différens corps ; d’établir une mutuelle correspondance entre eux ; d’en régler enfin le nombre et la force proportionnellement à l’armée, pour en faciliter l’arrangement et le développement dans un jour d’action. De petites troupes bien disciplinées défont presque toujours des troupes plus nombreuses, lorsque celles-ci se présentent avec confusion.

L’infanterie grecque se composait de trois ordres. Des combattans aux armes pesantes ou hoplites ; des soldats qui se servaient d’armes moyennes et qu’on nommait peltastes ; enfin, de tous ceux qui faisaient usage des armes de jet, comme le trait, la pierre, le javelot. Cette infanterie légère n’avait ni boucliers, ni bottes, ni casques ; nous la désignerons sous la dénomination générale de psilites.

Les hoplites, qui formaient la force principale de l’armée, portaient une cuirasse ou un corselet, un bouclier ovale, une pique à la grecque ou une sarisse à la macédonienne. Leur chapeau était ou lacédémonien ou arcadien ; ils avaient deux cnêmides (bottines), et souvent une seule pour couvrir la jambe qu’ils avançaient dans le combat. Les peltastes différaient des hoplites par le bouclier (pelta) plus petit et plus léger, ou par la pique moins longue que celle des pesamment armés. Voyons maintenant de quelle manière les Grecs distribuaient ces trois sortes de combattans.

Les hommes ayant été choisis, on les disposait en files. La file ou lochos était composée d’hommes placés les uns derrière les autres, depuis le chef de file, appelé lochagos ou protostate, jusqu’au serre-file nommé ouragos.

On formait la file de huit, dix, douze ou seize hommes, mais le nombre seize parut toujours préférable, parce qu’il convenait le mieux à l’étendue de la phalange, soit qu’on voulût la doubler pour la mettre sur trente-deux de profondeur, ou la dédoubler pour l’étendre. Si l’ordre primitif n’avait été que de huit, et qu’on eût voulu augmenter le front de la pha-