Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 1, 1835.djvu/248

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
247
THUCYDIDE, LIV. IV.

d’après les conventions, redemandèrent leurs vaisseaux. Les Athéniens les refusèrent : ils alléguaient différens griefs, une course dans laquelle, contre une des clauses formelles, on avait insulté la muraille, et d’autres infractions peu importantes ; ils se fondaient sur ce qu’il était expressément stipulé que la plus légère atteinte à la trève emporterait rupture totale. Les Lacédémoniens niaient les faits, et criaient à l’injustice. Enfin ils se retirèrent, et se préparèrent à recommencer la guerre, qui, des deux côtés, devint plus acharnée que jamais. Pendant le jour, les Athéniens, avec deux bâtimens qui se croisaient, faisaient sans cesse le tour de l’île, et, la nuit, tous se tenaient en station, excepté du côté de la pleine mer, lorsque le vent s’élevait. Ils venaient de recevoir d’Athènes un renfort de vingt vaisseaux, en sorte que la flotte entière était composée de soixante-dix voiles. Les Péloponnésiens, campés sur le continent, livraient à la place des attaques assez fréquentes, et épiaient toutes les occasions de sauver leurs guerriers.

Chap. 24. Cependant, en Sicile, les Syracusains et leurs alliés, en outre des vaisseaux stationnés à Messène, y amenèrent une autre flotte qu’ils venaient d’équiper, et de là mirent en mer. Animés surtout par les Locriens, qui haïssaient ceux de Rhégium, ils avaient fait eux-mêmes, avec toutes leurs forces, une incursion sur les terres de l’ennemi, et ils voulaient tenter un combat naval, voyant que les Athéniens n’avaient que peu de vaisseaux sur ces mers ; informés d’ailleurs que l’île de Sphactérie était assiégée par un plus grand nombre de vaisseaux qui voudraient ensuite se réunir à ceux-ci. En gagnant une victoire navale, ils espéraient emporter aisément Rhégium, qu’ils attaqueraient par terre et par mer ; ils se trouveraient alors dans une position respectable. En effet, le promontoire de Rhégium en Italie et celui de Messène en Sicile, étant fort voisins l’un de l’autre, les Athéniens ne pourraient plus en approcher, ni se trouver maîtres du détroit. Ce détroit est la portion de mer entre Rhégium et Messène, au point où la Sicile se rapproche le plus du continent. C’est ce lieu appelé Charybde, qu’Ulysse traversa, dit-on. Comme le passage est très étroit, et que la masse d’eau qui l’occupe est la réfusion des deux grandes mers tyrrhénienne et de Sicile, et que cette eau se précipite, en bouillonnant, sur un même point, il est avec raison réputé dangereux.

Chap. 25. Ce fut dans cet espace étroit que les Syracusains et leurs alliés, forts d’un peu plus de trente vaisseaux, rencontrèrent, le soir, seize vaisseaux athéniens et huit de Rhégium, et se virent contraints de combattre pour protéger un bâtiment de charge qui traversait le détroit ; ils furent vaincus par les Athéniens, perdirent un vaisseau, et se retirèrent comme ils purent, chacun vers ses fortifications respectives, à Messène et à Rhégium. Le combat terminé, la nuit survint.

Les Locriens quittèrent ensuite le pays de Rhégium. La flotte des Syracusains et des alliés se dirigea vers la Péloride, partie du territoire de Messène, et y jeta l’ancre : l’armée de terre les accompagnait. Les Athéniens et ceux de Rhégium, étant survenus, aperçurent les vaisseaux vides et voulurent s’en emparer : mais eux-mêmes en perdirent un des leurs, brisé par une main de fer qu’y jetèrent les ennemis ; les hommes se sauvèrent à la nage. Les Syracusains étant remontés sur leurs vaisseaux et se faisant remorquer pour gagner Messène, les Athéniens revinrent à la charge ; mais ils perdirent encore un vaisseau,