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geuse montait un vaisseau de la flotte des Perses. Voyant arriver un navire athénien plus fort que le sien, elle imagina une ruse qui lui donnait le moyen d’exercer sa vengeance et de se sauver : Artémise changea de direction, et, poussant son vaisseau sur celui de Damasithyme, roi des Colendiens, avec qui elle avait eu un démêlé quelques jours avant Salamine, elle attaqua son navire et l’abîma. L’Athénien, trompé par cette manœuvre, crut que ce navire faisait partie de l’armée grecque, ou venait de se déclarer pour eux, il cessa de le poursuivre et la reine échappa.

Xerxès, qui connaissait le vaisseau d’Artémise, fut dupe lui-même de cet artifice ; comme les Grecs commençaient à triompher, il s’écria : « Ici les femmes combattent en hommes et les hommes en femmes. »

La nuit termina cette bataille mémorable. Les Grecs avaient à peine quarante vaisseaux endommagés ou coulés à fond ; les Perses en perdirent plus de deux cents, sans compter ceux qui furent pris avec tout leur équipage.

Le lendemain du combat, Xerxès forma le projet de joindre au continent l’île de Salamine par un pont de bateaux et d’y faire passer son armée. C’était une entreprise hardie qui allait mettre la Grèce à deux doigts de sa ruine ; cependant Mardonius, gendre du roi, lui conseilla de faire une retraite honorable en emmenant la plus grande partie de ses troupes. Avec des corps d’élite, Mardonius se chargeait d’achever la conquête de la Grèce, ce qui devait remplir le but de l’expédition.

Thémistocle prouva qu’il était digne de concevoir et d’exécuter les plus hautes entreprises, en ne se montrant pas moins habile après le succès qu’avant le combat. On voulait rompre le pont de bateaux construit par les Perses, et couper ainsi leur retraite. Thémistocle s’empressa de faire répandre ce bruit dans l’armée de Xerxès, afin d’engager ce prince à hâter son départ. Le désespoir fait naître le courage, et l’on doit bien se garder de l’appât d’une victoire complète, en ôtant à l’ennemi tout moyen d’échapper. D’ailleurs, les déroutes, si meurtrières pour les vaincus, n’occasionnent aucune perte aux vainqueurs ; et c’est une des grandes maximes de la guerre, qu’il faut faire un pont d’or à son ennemi pour faciliter sa fuite.

Xerxès repassa la mer avec précipitation et laissa trois cent mille hommes à Mardonius pour terminer la guerre. Les armées combinées des Athéniens et des Lacédémoniens se montaient à cent dix mille hommes, sous la conduite de Pausanias et d’Aristide. Mardonius chercha d’abord à gagner les Athéniens, et n’ayant pu réussir, marcha sur Athènes que les habitans abandonnèrent encore. Cette ville fut de nouveau livrée au pillage et à l’incendie.

Craignant d’être attaqué dans l’Attique, pays montueux, où la supériorité du nombre était inutile, Mardonius eut la sagesse de retourner en Béotie, et de se fortifier par des ouvrages bien ordonnés sur la rive gauche de l’Asopus.

En cas de revers, il voulait se ménager un asile. Les Grecs, s’étant laissé tromper sur la marche de Mardonius, n’arrivèrent que long-temps après les Perses, et campèrent de l’autre côté du fleuve, sur les pentes du Cithéron. Il y avait de part et d’autre un risque égal à quitter les positions ; les deux armées restèrent dix jours en présence.

Le onzième, les Grecs reçurent un avertissement pendant la nuit : les Perses devaient attaquer le lendemain matin. Pausanias et Aristide jugèrent convenable, dans les dispositions qu’ils prirent pour l’ordre de bataille, d’opposer les