Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 1, 1835.djvu/220

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
219
THUCYDIDE, LIV. III.

Chap. 65. » Quant au dernier reproche que vous nous adressez, celui de vous avoir attaqués au sein de la paix et dans la solennité d’une hiéroménie, nous ne croyons pas, en cela même, avoir été plus coupables que vous. Si, de notre propre mouvement, nous sommes venus en ennemis attaquer votre ville et dévaster vos champs, notre conduite est digne de blâme : mais si les Platéens les plus distingués par la fortune et la naissance, voulant vous détacher d’une alliance étrangère et vous réunir sous les antiques lois communes à tous les Béotiens, nous ont appelés librement, que peut-on nous reprocher ! Des instigateurs ne sont-ils pas plus coupables que ceux qui les suivent ? Mais, à notre avis, il n’y eut de crime, ni de leur part, ni de la nôtre. Citoyens ainsi que vous, et ayant plus à risquer, ils nous ont ouvert les portes, ils nous ont reçus dans la ville à titre d’amis et non comme ennemis ; voulant que parmi vous les méchans ne pussent se porter à de plus grands excès, et que les bons obtinssent le sort qu’ils méritaient. Sages modérateurs des esprits, ils ne privaient la ville d’aucun citoyen ; ils la réconciliaient à ceux qui lui étaient unis par le lien d’une origine commune ; et, sans vous rendre ennemis de personne, ils vous assuraient l’amitié de tous.

Chap. 66. » La preuve que nous n’agissions pas en ennemis, c’est que, sans maltraiter qui que ce fût, nous avons invité à se joindre à nous tous ceux qui voudraient se gouverner suivant les antiques institutions de toute la Béotie. Vous y adhérez, en apparence, de bonne grâce, vous entrez en accord, vous restez d’abord tranquilles : mais bientôt, vous apercevant de notre petit nombre, loin d’imiter notre modération, en vous abstenant de voies de fait, en recourant à la persuasion pour nous engager à évacuer la ville, supposé toutefois que nous eussions fait une démarche un peu trop irrégulière en entrant sans l’aveu de la multitude, vous fondez sur nous, au mépris de tout accord ; vous tuez ceux des nôtres qui s’offrent à vos coups. Et ce n’est pas de quoi nous nous plaignons davantage ; on peut dire que ceux-là ont péri suivant les lois de la guerre : mais ceux qui vous tendaient leurs mains suppliantes, qui étaient tombés vivans en votre pouvoir, à qui vous aviez promis de laisser la vie, les avoir lâchement égorgés, n’est-ce donc pas un exécrable forfait ? Après avoir commis trois crimes à-la-fois, infraction des traités, massacre de sang-froid, serment violé (car vous aviez juré d’épargner nos citoyens, si nous respections vos campagnes), c’est nous que vous accusez d’avoir enfreint les lois, et vous prétendez ne devoir pas être punis ! Non, si du moins les Lacédémoniens jugent avec équité, il n’en sera pas ainsi ; vous subirez le juste châtiment dû à vos forfaits.

Chap. 67. » Nous sommes entrés dans ces détails, Lacédémoniens, et pour vous, et pour nous-mêmes ; pour vous, afin que vous sachiez que vous punirez justement ; pour nous, afin de vous démontrer que ce sera plus justement encore que vous nous vengerez. Ne vous laissez pas fléchir au souvenir de leurs anciennes vertus, si toutefois ils en eurent jamais de réelles. Ce souvenir parlerait en faveur de malheureux opprimés ; mais à des hommes souillés de forfaits, il doit attirer une double punition puisqu’ils ont trahi de nobles penchans. Qu’il leur soit inutile de gémir, de se lamenter, d’invoquer à grands cris les tombes de vos aïeux, de déplorer leur délaissement. Entendez aussi les gémissemens de cette jeunesse infortunée, qui, égorgée de leurs mains, a subi un traite-