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THUCYDIDE, LIV. I.

appartenait à cette race de bannis par sa mère ; et en le faisant chasser, ils comptaient obtenir plus aisément ce qu’ils voudraient des Athéniens. Cependant ils espéraient moins le voir exilé, qu’exciter contre lui des mécontentemens, parce qu’on le regarderait, par la souillure dont il était entaché, comme l’une des causes de la guerre. C’était l’homme le plus puissant de son temps, et à la tête des affaires : en tout il s’opposait aux Lacédémoniens ; il empêchait de leur céder, et pressait les Athéniens de rompre avec eux.

Chap. 128. Ceux-ci, de leur côté, demandèrent que les Lacédémoniens expiassent le sacrilége commis au Ténare. C’était au Ténare qu’autrefois ils avaient fait sortir de l’hiéron de Neptune et tué des Hilotes supplians. Suivant eux-mêmes, ce fut en punition de cette offense qu’arriva le grand tremblement de terre à Sparte. Les Athéniens demandaient aussi l’expiation du sacrilége commis contre la déesse au temple d’airain. Voici quel fut ce sacrilége. Lorsque les Lacédémoniens rappelèrent, pour la première fois, Pausanias du commandement qu’il exerçait dans l’Hellespont, il fut soumis à un jugement et renvoyé absous. Cependant on ne lui rendit pas le commandement ; mais il prit lui-même en son nom la trirème hermionide, et retourna dans l’Hellespont sans l’aveu des Lacédémoniens. Il donnait pour motif de son voyage la guerre de l’Hellade ; mais en effet il voulait continuer les intrigues qu’il avait liées avec le roi, dans le dessein de s’établir une domination sur les Hellènes. Déjà il avait posé les bases de tous ses projets ; déjà il s’était assuré auprès du grand roi le titre de bienfaiteur, et s’y était pris de cette manière. Dans sa première expédition, après son retour de Cypre, maître de Byzance, place occupée par les Mèdes, il fit prisonniers plusieurs amis et parens du roi, et les renvoya à ce prince à l’insu des alliés ; à l’entendre, ils s’étaient échappés de ses mains. Il agissait d’intelligence avec Gongyle d’Érétrie, à qui il avait confié Byzance et la garde des prisonniers, et que même il chargea d’une lettre pour Xerxès. Voici ce qu’elle contenait, comme on l’a découvert dans la suite : « Pausanias, général de Sparte, jaloux de te complaire, te renvoie ces prisonniers de guerre. Je veux, si tu y consens, épouser ta fille, et te soumettre Sparte et le reste de l’Hellade. En me concertant avec toi, je me crois de puissans moyens d’exécution. Si tu goûtes quelqu’une de ces propositions, envoie-moi sur la côte un homme affidé, par qui nous puissions continuer notre correspondance. »

Chap. 129. Tels étaient les projets que révélait la lettre. Elle plut à Xerxès, qui envoya sur la côte Artabaze, fils de Pharnace, en lui ordonnant de se mettre en possession de la Satrapie de Dascylie, et de déposer Mégabatès, qui en était revêtu. Il le chargea d’une lettre pour Pausanias à Byzance, avec ordre de le mander au plutôt, de lui montrer son cachet, et s’il en recevait quelques ouvertures sur ses desseins, de faire ponctuellement et en toute confiance ce qu’il lui ordonnerait.

Artabaze arrive, et, fidèle à sa mission, il envoie la lettre dont telle était la teneur : « Ainsi parle le roi Xerxès à Pausanias. Tu m’as envoyé au-delà de la mer les hommes que tu as sauvés de Byzance : notre famine royale en gardera à jamais l’ineffaçable souvenir. Ce que tu m’écris, me plaît. Que ni le jour ni la nuit ne t’arrêtent dans l’exécution de tes promesses. Ne regarde comme un obstacle ni la dépense en or et en argent, ni le nombre des troupes qui pourraient être nécessaires. Je t’adresse Ar-