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il voulait seulement se servir de ce que Judas savait, pour le jeter dans le désespoir.

Au lieu que, quand le Diable entretint Luther sur le sujet des Messes privées, il lui proposa une chose nouvelle. Et bien loin que Luther la sût d’ailleurs, on voit qu’il soutint le contraire, comme en ayant été persuadé jusqu’alors.

On ne peut pas dire non plus que ce que disait le Diable fût connu à Luther par d’autres voies, puisque Luther même dit que toute l’Église, de laquelle pour lors il suivait encore les sentiments, croyait le contraire. Tellement, que si le Diable lui a dit la vérité, il faut conclure qu’il l’a voulu instruire, et par conséquent qu’il a cessé d’être le Père du mensonge, ce qui est absurde. Et d’alléguer qu’il lui faisait entendre cette vérité nouvelle pour le désespérer, cela n’a nulle suite; car il paraît par toute la Conférence que le Diable instruit Luther; qu’il lui[1] reproche même de n’avoir pas eu assez de confiance en Jésus-Christ, et qu’après l’avoir persuadé, il le quitte. Véritablement il lui parle des Messes privées comme d’une grande abomination, et comme d’une horrible idolâtrie: mais cela ne pouvait pas mettre Luther au désespoir; et si Judas y entra aisément, ce lut parce que le Diable lui représenta fortement une vérité, dont il était convaincu, et contre laquelle il avait agi.

Au lieu que Luther était bien assuré en sa conscience, que jusqu’alors il n’avait point agi contre ses lumières; ainsi il n’avait pas la même occasion que Judas de se désespérer.

Mais enfin, pourquoi le Diable, qui ne veut que perdre les âmes, aurait-il hasardé d’apprendre une vérité à Luther, dont la perte était toute assurée, puisqu’il était dans l’idolâtrie, car c’est le nom que le Diable donne aux Messes privées? Il n’avait qu’à lui laisser dire ces Messes, c’est-à-dire, suivant cette supposition, il n’avait qu’à le laisser idolâtrer. C’est ainsi que ce malin Esprit en a usé avec les Païens: il les a laissés dans l’idolâtrie, et jamais l’envie de les pousser au désespoir ne l’a porté à leur faire connaître les abominations de leur idolâtrie; parce qu’il savait : que leur perte était infaillible, en les laissant dans ce malheureux état. Celle de Luther ne l’aurait pas été moins, si la Messe privée avait été une idolâtrie; et le plus sûr moyen que nous ayons de connaître que ce n’en est point une, c’est que le Diable ait été le premier à le

  1. Tom. 7, fol. 328 verso.