Page:Liseux - La Conférence entre Luther et le Diable au sujet de la messe, 1875.djvu/95

Cette page n’a pas encore été corrigée

leurs discours.

D’où il faut conclure que quand le Diable est le premier à dire une chose, et qu’il la dit sans contrainte, ce doit être nécessairement un mensonge; parce qu’alors il ne peut suivre que sa nature, c’est-à-dire, il ne peut que mentir. Or il ne paraît pas qu’il ait été contraint de parler, comme il a fait à Luther, contre les Messes privées: il paraît au contraire qu’il est le premier qui ait dit que ces Messes fussent une abomination; et par conséquent, tout ce qu’il en dit ne peut et ne doit passer que pour un mensonge.

Mais, dit-on, il lui est arrivé quelquefois de dire la vérité, et de la dire fortement, pour porter les âmes au désespoir. Et cette dernière raison, qui suppose que le Diable ait véritablement enseigné Luther, est tirée[1] de Luther même. Car, pour empêcher qu’on ne se moque, de la créance qu’il a donnée au discours du Diable, et pour montrer que cet Esprit de mensonge dit quelquefois la vérité, il rapporte l’exemple de Judas.

Il dit que Satan représenta à ce traître une vérité incontestable, savoir qu’il avait trahi le Sang du Juste; mais qu’il le fit pour le pousser dans le désespoir: et que ce mauvais Esprit avait la même intention quand il lui fit voir l’abomination des Messes privées; mais[2] que par la grâce de Dieu, il avait profité de la vérité, sans se porter au désespoir.

Voilà sans doute ce qui se peut dire de plus subtil: mais cela n’est bon qu’à tromper ceux qui ne prennent pas garde que l’exemple de Judas est tout différent de celui-ci. Lorsque le Diable lui représenta cette grande vérité: tu as trahi le Sang du Juste, il ne lui disait rien qu’il ne sût d’ailleurs, et même par des moyens qui ne lui permettaient pas d’en douter: de sorte que le Diable ne le voulait point enseigner,

  1. Hic respondebunt mihi sanctissimi Patres (Papista:),, hic ridebunt et dicent: Tu ne es doctor ille celebris, et non nosti respondere Diabolo: an ignoras diabolum esse mendacem?.... Verum quidem hoc est quod mendaa sit, sed ejus mendacia non sunt simplicis artificis ipse sic adoritur, ut apprehendat aliquam et solidam veritatem, quai negari non potest, atque eam adeo callide et versute nrget et acuit, et adeo speciose fucat auum mendacium, ut fallat, vel cautissimos. Uti cogitatio illa, quæ Judæ cor percussit, vera erat, Tradidi sanguinem justum, hoc Judas negare non poterat. Sed hoc erat mendacium: ergo est desperandum de gratia Dei. Diabolus hoc mendacium tam violenter ursit, ut Judas.... desperaret. Luth., De Missa privala et unctione Sacerd., tom. 7, fol. 230
  2. Ibi mentitur Satan, quando ultra urget, ut desperem de gratia... confessus quidem sum llege Dei convictus) coram Diabolo, me damnatum esse ut Judam, sed verto me ad Christum. Luth., ibid., fol. 230. verso.