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était le Diable, et qu’il n’avait prêché l’Évangile avec tant de véhémence, que pour les accuser au dernier jour avec plus de force.

Je n’examine pas, dit Luther[1], si cette historiette est vraie, ou si c’est une chose inventée pour instruire, mais je sais qu’elle est vraisemblable, c’est-à-dire que le Diable peut évangéliser, faire la fonction de Ministre et de Pasteur, donner le Sacrement, etc. Après cela il ne faut pas s’étonner que Luther ait si bien écouté le Diable sur les Messes privées, quoiqu’il le connût pour ce qu’il était, et si enfin il a déclaré que c’était de lui qu’il tenait cette doctrine.

Un autre moyen dont se servent les Ministres, est de dire que, quoique Luther ait appris cette doctrine du Diable, il ne s’ensuit pas pour cela qu’il faille la rejeter, parce que le Diable dit quelquefois la vérité: comme quand il dit de Jésus-Christ qu’il est[2] le Fils du Dieu vivant, et des Apôtres qu’ils, sont les Serviteurs du Très-Haut[3].

En effet, il ne faut pas rejeter ces vérités, parce que le Diable les a dites: mais on doit considérer deux choses. L’une, que quand il a parlé de la sorte, ç’a été parce qu’il y était contraint, comme en convient[4] Calvin lui-même. L’autre, que ces vérités étaient déjà connues d’ailleurs; sans cela il eût bien fallu se garder de l’en croire: car, comme il est le père du mensonge, son témoignage doit toujours être suspect, lors même qu’il dit la vérité. L’exemple de Jésus-Christ, dit S. Chrysostome[5], nous montre que, quand les Démons nous diraient même quelque chose de véritable, nous ne devrions pas les croire. Il les fait taire lorsqu’ils publiaient qu’il était le Fils de Dieu; et S. Paul de même leur imposa silence, quoiqu’alors ils parlassent conformément à la vérité. Ce même Père dit dans un autre endroit[6] que Jésus-Christ fit taire les Démons pour nous apprendre à ne nous jamais fier à

  1. An hæc historiola vera sit, an docendi causa conficta, non pugno. Hoc auteur scio eam verisimilem esse, scilicet Diabolum posse evangelizare, fungi officio Ministri et Pastoris, porrigere Sacramentum, etc. Luth., ibid., fol. 24.4.
  2. Matth., 8, 29. Marc, 5, 7. Luc, 8, 28.
  3. Actor, 16, 17.
  4. Sciendum est, non tam sponte in Christi conspectum venisse (Dæmones), quam arcano Christi imperio tractos... coacti etiam eum adorant, et contumaces eorum querimoniæ testes sunt quam non volontaria fuerit eorum confessio, sed vi extorta. Calvin, Harmonie évangélique sur le 6me et le7me verset du 5me chap. de Saint Marc.
  5. S. Chrys. hom. 13 in Matth.
  6. Hom. 2. de Lazaro.