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s’y tromperont pas, il tâche de surprendre les faibles, en alléguant un exemple par lequel il prétend montrer[1], que les Moines de ce temps-là remplissaient leurs livres de leurs exploits contre le Diable.

Il tire cet exemple de S. Antonin[2], qui rapporte, «que S. Dominique trouva une nuit le Diable lisant un papier; qu’il lui recommanda par Jésus-Christ de lui montrer ce qu’il lisait; à quoi le Diable obéit au nom de Jésus-Christ; et que S. Dominique ayant vu ce papier, s’en servit utilement pour corriger les Religieux de certains défauts que le Diable avait remarqués, pour leur en faire reproche au Jugement de Dieu.» Cela se peut (pour user des termes: de M.Claude) appeler un exploit d’un Moine contre le Diable, car ce Saint force le Diable au nom de Jésus-Christ de lui déclarer ce qu’il voulait tenir secret jusqu’au jour du Jugement. Au lieu que Luther, bien loin de se signaler contre le Diable par quelque victoire, avoue que le Diable l’a vaincu par ses raisons: de sorte que cela se peut appeler Exploit du Diable contre un Moine.

Ce qui est bien différent de ce qui arriva, dit-on, à S. Dominique: le Diable ne voulait pas l’instruire, et ce mauvais esprit ne lui donna le papier qu’il tenait, que par la force qu’a toujours sur lui le nom de Jésus-Christ. Sans cela il n’eût point fait connaître à S. Dominique les défauts de ses Frères, parce qu’il ne dit jamais une vérité utile que par contrainte. C’est pourquoi M.Claude, qui le sait, s’est bien donné de garde, dans le rapport de cette histoire[3], d’exprimer, comme fait S. Antonin, que ce fut au nom de J.-C. que le Diable obéit à S. Dominique, de peur qu’il ne parût alors que le Diable avait été forcé, et afin qu’on pût croire qu’il avait instruit S. Dominique, comme il avait instruit Luther. Mais la manière dont le Diable aborda Luther, fait bien voir qu’il ne l’aborda que pour séduire. Luther ne l’appelait point; le Diable lui exposa ses raisons sans y être forcé; Luther exposa les siennes avec le plus de force qu’il put. Enfin il céda; et c’est sur les instructions d’un tel Maître qu’il a fait abolir, par ceux qui l’ont suivi, le sacrifice de la Messe.

  1. Déf. de la Réform., p. 138.
  2. S. Ant. Chron., 3. part., tit. 23, cap. 4. 6.
  3. Déf. de la Réform., p. 138.