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AUTOUR D’UNE AUBERGE

— Monsieur Bonneterre, je crois que vous vous causerez certains désagréments, si vous persistez dans cette ligne de conduite. Vous êtes pauvre, et vous avez besoin de la paroisse pour vivre… !

— Et, reprit Bonneterre, croyez-vous que ce faible argument puisse me faire changer d’opinion ? Je suis pauvre et j’en bénis tous les jours la Providence. Le pain que je mange c’est le pain de l’honnêteté, il ne me souille pas. J’en connais qui mangent le pain du crime… !

— Vous m’insultez, fit Rougeaud !

— Non ! je ne vous insulte pas, je ne fais que vous dire qu’il vaut mieux vivre dans la pauvreté et s’endormir le soir avec une conscience calme que dans la richesse chargé de remords… Je suis pauvre, mais pauvreté n’est pas vice !…

— Quand on a besoin des autres pour vivre, reprit Rougeaud d’un air insolent, on ne doit pas chanter si haut… il faut mettre de l’eau dans son vin. Aussi je vous conseillerais de prendre garde, car l’an prochain votre fille pourrait payer cher… !

— Monsieur Rougeaud, ajouta encore Bonneterre, ce que vous me dites ne m’étonne pas. Je l’attendais depuis longtemps… ! Ma fille continuera à enseigner comme elle a commencé et si l’an prochain elle n’obtient plus sa position quelque pauvre que je sois, elle aura la consolation d’a-