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AUTOUR D’UNE AUBERGE

amis. Et, à peu d’exceptions près, il possédait l’estime de tous. Les amis de Sellier, eux, ne l’aimaient pas. Ils connaissaient sa droiture, la force de son caractère, et le savaient impitoyable sous le rapport des principes. Aussi ceux qui avaient déjà cherché à connaître sa pensée sur la religion et le prêtre ne souhaitaient pas le rencontrer.

Les partisans de Sellier, se disait-il, sont forts et puissants, ils ont l’or pour eux. Nous, nous n’avons pour faire la lutte que la force de nos arguments, mais je crois que cela suffit. Chemin faisant, il rencontra Charles Langevin et ses deux gars qui se rendaient au moulin de Sellier faire moudre du grain.

— Bonjour, M. de Verneuil, dit le dernier venu, vous êtes matinal, à ce qu’il paraît. Comment va la santé ? — Sur les roulettes, M. Langevin, et vous ? — Très bien, comme vous pouvez le voir. — Dites donc, M. Langevin, quelle belle journée pour nos charriages, nos gens vont en profiter.

Charles Langevin était l’un des plus fervents chrétiens de Notre-Dame de la Pointe-aux-Foins. Il jouissait d’une réputation intègre. Bon père de famille, s’il en fut jamais, il eut tout donné pour sauvegarder la jeunesse contre les dangers de l’alcool. M. de Verneuil dans ses luttes passées n’avait eu qu’à se féliciter de lui. Aussi, voulut-il profiter de cette rencontre toute fortuite pour le mettre au courant de ses projets.