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AUTOUR D’UNE AUBERGE

méprisât les ministres de Dieu en sa présence. Si quelques-uns de temps à autres risquaient une parole tant soit peu déplacée, on voyait à son air qu’il valait mieux changer de ton. Ses yeux alors lançaient des éclairs : personne ne pouvait résister à la verte semonce qu’il savait leur administrer. Aussi, ceux qui avaient fait l’expérience d’une passe d’armes du genre n’étaient plus tentés de recommencer.

— Bonsoir. Messieurs, dit M. Héroux, en les voyant, avec un sourire plein de bonté, plus expressif que ses paroles, vous êtes les bienvenus ! d’autant plus que ce soir, tout me paraît sombre ; et, faut-il vous l’avouer, je commençais à être envahi par la tristesse.

— Comment, M. le Curé, dit de Verneuil, faut-il vous faire la morale à notre tour, vous vous attristez… ? Mais vous badinez ! d’ailleurs, les tristesses ne rapportent jamais rien de bon. Vous vous rappelez. M. le Curé, combien j’étais abattu lorsque je subis l’incendie de mes bâtiments, et lorsque, ensuite, je perdis deux enfants. C’est votre parole qui me consola et m’encouragea. Je ne saurais trop reconnaître ce que je vous dois. On comprend, M. le Curé, qu’un pauvre laïque puisse faiblir sous la croix ; mais un prêtre, un prêtre chargé de mérites ? non ! il faut voir en tout l’action de la Providence qui ne permet l’épreuve que pour nous rendre meilleurs. Aussi, M. le Curé, si vous êtes accablé de tristes pensées c’est plutôt parce que vous com-