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AUTOUR D’UNE AUBERGE

fit son apparition. Ce lieu, que l’on trouve, hélas ! dans la plupart de nos campagnes canadiennes, est le rendez-vous des traînards, des paresseux et des ivrognes. C’est là que les fils de nos meilleures familles vont gaspiller avec leur argent, leur précieuse santé, dans les jeux, les ivrogneries et les débauches. Auberges maudites ! cabarets immondes ! qui dira les maux que vous avez causés à nos populations rurales, sans parler du monceau de ruines que vous avez entassées dans nos villes, où le mal est encore plus grand ! Que de familles vous avez ruinées, sans espoir ! Que de jeunes gens, bien doués pourtant, sont devenus ivrognes et ont pendu les sentiments de l’honneur, de l’honnêteté, pour être entrés une première fois dans ces antres du crime ! Que de Canadiens ont dû quitter leur patrie pour avoir fréquenté l’auberge de leur village natal ! Ils ont dû s’expatrier, les malheureux, après avoir perdu la fortune amassée péniblement par leurs courageux ancêtres. Ils sont allés s’échouer dans les villes des États-Unis, fuyant la honte et l’infamie qui tachent leurs noms. Dites tout le mal que font les auberges aux individus, dans leurs corps et dans leurs âmes, et l’on verra si de telles boutiques peuvent être utiles.

Le bon M. Héroux, qui, jusque-là, avait ménagé Rougeaud, alla le trouver un jour pour lui demander enfin d’expliquer son ignoble conduite. Rougeaud tenta de jeter la faute sur ses acolytes, balbutia quelques