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AUTOUR D’UNE AUBERGE

Rougeaud, composée de douze enfants, pleins de force et de santé, attira son attention. L’aîné, Jules, avait été engagé autrefois pendant quelques mois chez le meunier voisin ; mais, son père étant tombé malade, il avait dû quitter cette fonction à son grand regret, et reprendre le travail des champs, pour lequel il n’avait aucune inclination.

Jacques Rougeaud avait élevé dans les principes chrétiens sa nombreuse famille. Peu favorisé de la fortune, il avait passé sa vie dans les durs travaux des défrichements. Ce fut avec calme qu’il vit arriver son heure dernière. Sur son lit de mort, entouré de ses enfants, qu’il bénit de sa main défaillante, il leur donna des conseils dignes d’être rapportés ici. Il les exhorta à l’amour, à la charité fraternelle, leur recommanda à tous de s’entr’aider les uns les autres ; d’aimer leur bon et vénérable Curé, de suivre ses avis et ses directions ; « celui qui obéit à son Curé, leur dit-il, est sûr de ne jamais se tromper. » Tous promirent au moribond qu’ils suivraient ses conseils. Et le vieillard mourut dans la sérénité du juste.

Sellier, témoin de cette scène, fut visiblement touché. Sorti de la chambre mortuaire en même temps que Jules, il lui avait dit : « Mon garçon, veux-tu te faire meunier » ? À cette demande inattendue, Jules avait répondu : « Oui, certes ! — Eh bien ! reprit Sellier, après les funérailles de ton bonhomme de père tu