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AUTOUR D’UNE AUBERGE

Sellier, avait avoué ingénument à son vieux père qu’elle n’en épouserait point d’autre. Les noces se firent avec solennité. Tous les gars, qui auraient désiré demander la main de la bonne Louise, voulurent assister à ce mariage le plus éclatant que la paroisse ait encore vu. Dix ans plus tard, lorsque les vieilles mamans étaient sur le point de marier leurs filles elles disaient : Il faudrait pourtant surpasser le mariage de Sellier.

L’union de Pierre Sellier n’était pas heureuse. Labonté, peu de temps après le mariage de sa fille, était mort accidentellement : on l’avait trouvé le crâne brisé, probablement par la chute d’une branche d’arbre. Louise pleura longtemps son père. Les commères qui la visitaient disaient qu’elles ne l’avaient jamais vue sourire. Quel était ce mystère ? Personne ne le pouvait dire. Un jour, cependant, elle avait laissé échapper cette plainte à son insu : « Si mon père avait connu cet homme ! comme il me fait peur ! » Mais ce fut tout, elle se replia sur elle-même, gardant sa douleur, et ne la communiquant probablement qu’au directeur de son âme. Puis, à son tour, elle fut emportée après une maladie de quatre semaines qu’elle souffrit avec une résignation admirable. Pierre Sellier hérita ainsi de la petite fortune de Labonté, et peu d’années plus tard, il devint le plus riche habitant de la paroisse.

Quelque temps après la mort de sa femme, il annonça qu’il retournait dans son pays. Cette nouvelle,