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AUTOUR D’UNE AUBERGE

crains qu’il ne soit trépassé à notre arrivée.

Le Curé lui demanda s’il y avait longtemps que son frère souffrait, et de quelle maladie ? Boisdru hésitait à répondre. M. Héroux n’en demanda pas plus et lui dit : Fouette et dépêche-toi !

En moins d’une demi-heure, ils furent à la maison. Mme Boisdru, en larmes, ouvrit la porte, et dit au Curé : « Il est trop tard, mon mari a rendu l’âme quelques instants après le départ de mon beau-frère. Quel malheur ! M. le Curé, il s’est suicidé, dans un moment de folie ».

M. Héroux, suffoqué par l’émotion, pénétra dans la chambre du pauvre Boisdru. Il gisait sur un lit, la figure congestionnée, noircie, horrible à voir. Ses enfants poussaient des cris à fendre l’âme.

— Oui ! c’est un grand malheur, Madame, je le déplore avec vous, dit M. Héroux Il est trop tard pour lui administrer les derniers sacrements « sous condition », puisqu’il est mort depuis bientôt une heure.

— Quelle mort ! Monsieur le Curé, quelle mort ! si vous saviez comme j’ai souffert depuis huit semaines. Il ne dérougissait pas. J’avais beau cacher la boisson, casser les flacons, il en trouvait toujours. Je n’osais trop me plaindre. Jusqu’à ces derniers mois, j’ai pu le maîtriser. Quand il en avait trop, je lui donnais une bonne raclée. L’effet était merveilleux ; j’avais l’espérance qu’il se corrige-