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AUTOUR D’UNE AUBERGE

Il était bon le vieux, je le crois, mais il m’embarrassait. Aussi — je te dis ça sous secret — c’est moi qui l’ai assommé avec un gourdin… et j’ai eu la présence d’esprit de casser une branche d’arbre dont j’ai trempé le bout dans son sang pour montrer qu’il s’était fait tuer accidentellement…

À ces mots, Sellier se prit à rire… ah ! ah ! ah !…

— Et dire qu’il y a si longtemps ! et que pas un paroissien a été assez fin pour me découvrir… Je te dis que les Canadiens sont des imbéciles… ! Ne révèle cela à personne, Rougeaud. Je te dois tout ; je ne peux te rien cacher. Toi et moi nous ne faisons qu’un. Je te récompenserai bien. Aujourd’hui, je suis au comble de ma joie ! C’est le suprême bonheur ! C’est toi qui me l’a donné, en me faisant rouler un curé… ah ! ah ! ah ! Ils sont fins les curés ! mais, tu n’es pas bête, toi ! Tiens, prends cet argent ! tu l’as gagné… Voilà trois cents piastres au lieu de deux cents.

Rougeaud prit la somme que lui présentait Sellier. Bientôt, ce dernier s’endormit et Rougeaud le laissa seul. C’était la première fois que son maître se mettait en cet état d’ébriété. Dans la rue, Rougeaud se laissa aller aux réflexions les plus bizarres.

— C’est moi, se dit-il, qui fais la fortune de cet homme. Je le tiens maintenant. Je doutais qu’il devait y avoir quelque chose de mystérieux dans la