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AUTOUR D’UNE AUBERGE

loir plier l’échine, abdiquer tout sentiment de dignité ; puisque l’homme est créé citoyen libre ! Vous nous avez appuyés, je vous en remercie. Mais, sachez-le, vous devez à M. le Maire le résultat de la journée d’hier. C’est lui que vous devez remercier. »

Pendant ce discours flatteur, Rougeaud ne se possédait plus d’aise…

— C’est vrai, se dit-il en lui-même, c’est moi qui ai mené la besogne… Je ne suis pas si bête après tout…

Puis l’on but à la santé du Maire… Les santés succédèrent aux santés, et cela avec une telle rapidité que deux heures plus tard, la salle présentait l’aspect le plus lamentable. Plusieurs invités étaient déjà ivres. La fumée des pipes, l’odeur des cigares, la lueur blafarde des lampes donnaient à l’assemblée l’aspect le plus dégoûtant. Sellier, voulant mettre une note de gaieté entonna une chanson à boire… Ceux qui pouvaient encore se tenir debout continuèrent le refrain. Les chansons succédèrent aux chansons. Et longtemps les environs du moulin répercutèrent ces chants capables de donner des hauts le cœur aux personnes sobres. De temps en temps, pour varier le programme, l’un ou l’autre convive racontait une histoire. Toute cette triste société applaudissait aux traits qu’on se plaisait à débiter surtout contre les curés… Sellier se pâmait