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AUTOUR D’UNE AUBERGE

autrement tout est à l’eau.

— Il nous faut la licence coûte que coûte, dit Sellier, et je veux perdre mon nom s’il y a un diable capable de m’en empêcher ! Nous allons travailler ensemble, Rougeaud, et si tu veux m’aider je te donne à toi la jolie somme de $200.00. Tu entends ? Rougeaud, deux cents piastres, ça rogne les profits !

— Mais, M. Sellier, quand un homme entasse trois ou quatre mille piastres par année, avec l’auberge, sans compter des revenus du moulin, il peut faire quelques générosités à ses amis.

— C’est vrai, dit Sellier à son tour, tu vois aussi que je ne suis pas un avare ; je ne te ménage pas les petits présents. J’ai de lourdes dépenses à faire ; Bonvin, à lui seul, me coûte huit cents piastres par année. Et s’il se mettait dans la tête de déclarer que c’est moi qui suis l’aubergiste, je verrais mes rentes diminuer ! Il va me falloir cette année le récompenser doublement. Dans tous des cas, si l’on me refuse une licence, je ferme mon moulin.

— Vous pourrez vivre à l’aise, Sellier, car l’auberge à elle seule a dû vous apporter une centaine de mille piastres.

— Oui, mon cher Rougeaud, et dire que ce sont les Canadiens qui m’enrichissent. Ils sont bêtes, les gars, ils sont bêtes ! Je connais plusieurs d’entre eux qui se mettraient dans le feu pour conserver la