Page:Lirondelle - Le poète Alexis Tolstoï, l’homme et l’œuvre, 1912.djvu/619

Cette page n’a pas encore été corrigée

me souriait tristement. J’eus envie de pleurer et je baisai à plusieurs reprises une petite croix qu’elle m’avait donnée et que je n’avais cessé de porter sur moi.

Alors il me sembla entendre dans le lointain la voix du commandeur qui m’appelait.

J’y prêtai l’oreille, mais une girouette du château cria sur ses gonds et ce bruit, semblable à un grincement de dents, m’empêcha d’entendre la voix qui m’appelait.

Je me crus le jouet d’une illusion et j’entrai dans la cour. Il n’y avait ni carrosse, ni valets, cependant j’entendais des éclats de rire et des voix confuses. Je montai un escalier fort raide, mais bien éclairé ; quand je fus sur la plate-forme qui le terminait, un vent froid me souffla à la figure et une chouette effrayée se mit à voltiger, en frappant de ses ailes les flambeaux attachés au mur.

J’avais baissé la tête pour éviter le contact de l’oiseau nocturne. Quand je la relevai, je vis devant moi un chevalier de haute taille armé de toutes pièces.

Il me présenta la main, sans ôter son gantelet, et me dit d’une voix voilée par sa visière qui était baissée :

Belle dame, octroyez à vostre serviteur la grâce de vous recevoir en son chastel, et les considérez comme vostre, mesmement que toutes choses qui sont à lui !

Je me rappelai encore l’allusion qu’avait faite M. d’Urfé lorsque je lui ordonnai de descendre de son échelle, et persuadée que le chevalier inconnu n’était autre que le galant marquis, je lui répondis, en me servant de son langage :

Ne vous esmerveillez pas, beau sire, de me voir céans, car m’estant fourvoyée dedans la forest, suis advenue devers vous, afin que m’hébergiez, comme devoir est à tout bon et preulx chevalier !

J’entrai dans une grande salle où était rassemblée une foule de monde qui riait et chantait autour d’une table couverte. Ils étaient tous costumés en seigneurs du temps de Charles VII, et comme j’avais vu des peintures de cette époque à Saint-Germain l’Auxerrois, je pus admirer l’exactitude historique des moindres détails de leur toilette. Ce qui me frappa surtout ce fut la coiffure d’une grande et belle dame qui paraissait faire les honneurs du banquet. Cette coiffure consistait en un réseau de fils d’or et de perles très artistement enlaces