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J’ouvris les yeux et Je me vis couchée dans la forêt, sur un tas de mousse.

L’orage avait cessé. Le tonnerre grondait encore dans le lointain, mais les arbres agitaient doucement leurs feuilles et des nuages bizarres passaient au-dessus de leurs cimes. L’air était imprégné de senteurs balsamiques qui allaient me plonger dans une douce torpeur, quand quelques gouttes de pluie découlant des feuilles, me tombèrent sur la figure et me rafraîchirent.

Je me levai sur mon séant et je vis à une centaine de pas de moi des fenêtres en ogive vivement éclairées. Bientôt je distinguai entre les arbres les tourelles pointues d’un château que je reconnus de suite n’être pas celui de mon père. Je me demandai où je pouvais être. — Peu à peu je me rappelai comment les chevaux m’avaient emportée et comment j’avais été jetée hors du carrosse. Cependant ma tête était si faible que ces souvenirs se confondirent bientôt avec d’autres idées ; et qu’au milieu de ma solitude je ne pensais même pas à m’étonner de ne voir auprès de moi, ni M. de Bélièvre ni aucun de mes gens.

La musique qui m’avait éveillée continuait toujours. Alors l’idée me vint que je pouvais bien être devant le château d’Haubertbois et qu’on y était réuni pour le bal costumé dont mon père avait fait mention dans sa lettre. En même temps Je me rappelai les dernières paroles de M. d’Urfé, lors de son équipée dans la maison de chasse, et je me dis que dans sa persistance à me chercher partout, il ne pouvait manquer de se trouver au bal.

Je me levai, et ne sentant aucune douleur, je marchai lestement vers le château.

C’était un vaste bâtiment d’une architecture sévère et ruiné en grande partie. Je pus distinguer à la clarté de la lune que les murailles étaient couvertes de mousse et tapissées de lierre. Quelques guirlandes, tombant du haut des tours, se balançaient pittoresquement et se détachaient en silhouette sur le fond du ciel d’un bleu argenté.

Je m’arrêtai à contempler ce tableau.

Je ne sais pourquoi mes idées m’emportèrent loin du château. Des scènes de mon enfance, oubliées depuis longtemps, passèrent devant moi comme des figures de lanterne magique. Quelques détails de ma plus tendre jeunesse se reproduisirent dans mon esprit avec une incroyable intensité. Au milieu de ces images je revis ma mère qui