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SA POSTÉRITÉ LITTÉRAIRE.

nier fait le plaisir « de prendre au denier quatorze cinq mille francs amassés par son travail et par ses épargnes ». Balzac s’empare ensuite de ces vivantes caricatures, dans son Faiseur, et nous rend Turcaret dans Mercadet, comme il avait ressaisi Gil Blas à travers l’Edmond de Restif. Sans doute ce Turcaret de sa façon est démesurément enflé et un peu confus, comme tous ses héros, mais il pose avec une singulière ampleur « la question d’argent » qui va désormais s’imposer à la scène moderne. Il joue déjà en maître de la publicité du journalisme pour mettre en actions jusqu’au blanchissage. Il fonde l’apologie de l’usure sur la nécessité du capital, avec une effronterie spirituelle, l’usurier n’étant selon lui qu’« un capitaliste qui se fait sa part d’avance ». En affaires on a le droit d’être habile jusqu’au bout, et « pourvu qu’on s’arrête jusqu’au code, si le succès arrive !…. » Il tire et montre une pièce de cinq francs avec cette saillie : « Voici l’honneur moderne ». En un mot, il veut être « le Napoléon des affaires ». Aussi quel dédain pour les Frontins qui n’ont pas su recueillir, comme lui, la succession de Turcaret : « Ce garçon-là, déclame-t-il, est un demi-Frontin, car aujourd’hui ceux qui sont des Frontins tout entiers deviennent des maîtres. Nos parvenus d’aujourd’hui sont des Sganarelles sans place qui se sont mis en maison chez la France. » C’est en ces termes qu’il salue le règne de Frontin, qu’annonçait le dénouement de Turcaret.

Il disait vrai et prophétisait encore mieux, du