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servants sont descendus des avant-trains et boivent en hâte les liquides fumants que leur versent des femmes. Les conducteurs, penchés sur l’encolure de leurs chevaux, tendent leurs quarts.

Nous nous informons :

— Avez-vous vu les Allemands ?

— Il n’en est venu que quelques-uns acheter des chaussettes et du sucre. Ils ne viendront pas ici, au moins ?

— Ne sommes-nous pas là !

Sur les visages clairs des femmes, encadrés de cheveux de la couleur des avoines, règne la sérénité. Des enfants dodus, des anges de Rubens, accompagnent en courant la colonne qui s’ébranle, et d’autres, un peu plus grands, crient : « Vivent les Français ! »

Nos batteries s’engagent derrière un groupe du 26e d’artillerie, sur la route d’Ethe, une belle route droite, bordée de grands arbres. Les gerbes sur les champs semblent, dans la brume, des silhouettes de fantassins. On s’y trompe un instant. Dans un village sont installées des ambulances. Des mulets chargés de leurs cacolets attendent au fond d’un chemin creux.

Nous avons à peine dépassé les dernières maisons qu’une fusillade éclate soudain, semblable à la déflagration d’un feu de bois sec. Une mitrailleuse crépite avec un bruit saccadé de cinéma.