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Et la grand’mère ajoute :

— Je suis bien vieille, j’ai soixante-dix et des années. Je n’avais jamais vu la guerre en Belgique.

Elle parle presque sans colère, la pauvre vieille, avec seulement une grande tristesse et un tremblement dans la voix.


Nous cantonnons ici. Les chevaux attachés, l’avoine distribuée, nous courons tout de suite, Déprez et moi, aux fenêtres soulignées de glycine, pour demander à acheter un peu de lait et des œufs. La grand’mère est désolée, elle a tout donné entre temps à des chasseurs. Mais elle nous envoie un peu plus loin, chez une de ses filles qui, nous dit-elle, va traire sa vache pour nous. Elle ajoute :

— Il y a ici un bon grenier, vous n’y serez pas trop mal dans la paille, et vous aurez bien chaud. Revenez toujours pour coucher.

À deux maisons de là, nous allons frapper à la porte indiquée. On nous reçoit comme si on nous attendait.

— Des artilleurs, maman ! dit une jeune femme, qui tient un enfant dans ses bras. Ils voudraient du lait.

La mère sort de la chambre voisine.

— Je vais traire la vache, nous dit-elle. Bonjour, messieurs, asseyez-vous. Vous devez être las.