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Le douanier sourit.

Ce premier village belge : Torgny, contraste avec les villages français que nous avons traversés depuis l’aube. Ceux de chez nous sont délabrés, sales, empuantis de fumier, hurlant la misère. Celui-ci est gai et propre. Il y a des rideaux aux fenêtres, parfois des stores brodés. Les volets, les portes, les poutres des façades sont peints de vert clair.

Tous les visages, placides et ouverts, nous sourient. Par les fenêtres, on aperçoit le sol des maisons dallé de carreaux rouges. Les cuivres des fourneaux et des chandeliers éclatent dans la pénombre des intérieurs où les meubles soigneusement vernis mettent partout des reflets.

Ma colonne fait halte dans le bourg. Sur la pente, il faut caler solidement les roues des voitures. Une femme et une jeune fille blonde, mince, au visage régulier, sont assises au seuil de leur maison, dont une glycine souligne le premier étage. Comme nous leur demandons où mène la route que suit notre batterie, la conversation s’engage. Elles parlent toutes deux, la mère et la fille, — et aussi la grand’mère, une petite vieille ridée, aux yeux vifs, qui est sortie pour voir, — avec un accent traînant, chantant, mais point désagréable.

— Les Allemands sont venus jusqu’ici ?

— Oui, monsieur. Ils sont venus, seulement ils