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La belle colline qui, à Ville-devant-Chaumont, bornait notre horizon, nous apparaît toujours vers l’est, resplendissante, tracée comme au compas, en cuivre fauve sous le ciel bleu.

Moirey est accroupi au giron d’une vallée. Les maisons sont humbles, couvertes de mauvaises tuiles. De quelque côté que l’on s’éloigne du village, tout de suite un contrefort le masque. On n’aperçoit plus que le faîte des toits et le court clocher à quatre faces garni d’ardoises, qui les domine à peine.

Comme nous pansons les chevaux, dans un pré où coule un ruisseau parmi les iris, un vol de coiffes blanches descend du village. Pour franchir le ruisseau, il n’y a qu’un pont étroit. De deux chevaux en travers, nous le barrons. Comme droit de passage, nous réclamons un baiser. Quatre jeunes filles, dont les visages frais rient sous les grands papillons blancs des coiffes, hésitent. L’une prend son élan, saute et se mouille. Alors les autres, à qui cet exemple profite, se décident.

— Remarquez qu’un seul baiser, ce n’est pas cher, en temps de guerre, leur dit Déprez.

Elles paient consciencieusement.