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moment où ils pourront les faire tenir sûrement à ma famille. »

— Voilà prises tes dispositions mortis causa, me dit Le Bidois qui lit par-dessus mon épaule. Et il ajoute :

— Ça n’augmente pas les risques.

Le Bidois est un long garçon maigre, qui ressemble au roi d’Espagne et que Déprez et moi, pour cette raison, avons baptisé Alfonso. Chaque jour nous l’abordons avec cette rengaine montmartroise :

Alfonso, Alfonso,
Veux-tu te t’nir comme il fô !


Nous l’appelons aussi : « Le grand d’Espagne. » Il ne se fâche jamais.

— Un brigadier en or ! comme dit son pointeur Moratin.


Des attelages du 26e d’artillerie ramènent deux des caissons abandonnés par l’ennemi à Mangiennes. Peints de couleur sombre, ils ressemblent à la vieille artillerie de 90 que nous traînions pendant nos classes au polygone du Mans.

Deux grandes charrettes suivent, deux charrettes de paysans meusiens, longues et étroites, pleines de sacs, de bidons, de képis marqués 130, de marmites de campement déjà noircies au feu des bivouacs, de ceinturons à plaque de cuivre,