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La lune s’est levée. Elle perce mal les feuillages denses des pruniers et le cantonnement immobile reste sombre. Çà et là, seulement, elle fait des taches jaunes sur l’herbe et sur les croupes des chevaux qui dorment debout. Le camarade avec qui je partage cette nuit de garde est étendu dans son manteau au pied d’un grand poirier. Devant moi, la lune illumine la plaine. Les prairies sont voilées de gaze blanche. Les deux armées, tous feux éteints, dorment ou se guettent.


Samedi 15 août.


J’aide Hutin à nettoyer la pièce.

— Eh bien ! Hutin, c’est beau, la guerre ?

— Si ça consiste à se balader toujours comme ça, jusqu’au 22 septembre, jour de la libération de la classe, j’aime mieux ça que le quartier. Jamais nous n’avions été aussi bien nourris. Pourvu que ça dure !

— Pourvu que ça dure ! Seulement, ici, il y a les Boches.

— Voilà !

— Et puis, il ne vient pas souvent de lettres.

— C’est vrai ! ça manque plutôt, dit Hutin amèrement en envoyant dans l’âme de la pièce un furieux coup d’écouvillon.