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gauche du chemin dont notre colonne occupe la droite. La poussière blanchit les culottes jusqu’aux genoux. Des barbes de huit jours, raides comme du chiendent, salissent, durcissent les visages. Les capotes sont ouvertes et disposées en revers sous les courroies de l’équipement. On voit des poitrines velues. Le fardeau du sac fait saillir les muscles du cou. Ces réservistes ont l’air grave, décidé et un peu farouche.

Ils passent en masse avec un bruit de grandes eaux ou de torrent sur des cailloux. La vue de nos pièces éclaire leur visage d’un sourire de complaisance. Les bataillons gravissent la butte proche. Il y a tant d’hommes qu’on n’aperçoit plus le chemin ni même le rouge des culottes. Sur ce ruban bien mouvant, les marmites, les pelles, les pioches mettent un perpétuel scintillement.

Nous avons rempli tous nos seaux de toile ; au passage, les fantassins y puisent un quart d’eau pure. Ils s’en vont, les lèvres au bord du quart, diminuant l’ondulation de leur marche pour ne rien perdre du précieux liquide.


Enfin la batterie s’ébranle. Mais nous allons tout simplement cantonner à Azannes, à quatre ou cinq kilomètres au sud-est de Ville-devant-Chaumont. Nous ne serons guère plus près de l’ennemi.