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l’horreur des cinquante mille morts éparpillés sur les plaines d’Alsace. Finalement, je m’endors…

On a abattu d’un coup de revolver dans l’oreille un cheval qui s’est cassé une jambe. On va le dépecer et partager les meilleurs morceaux entre les pièces de la batterie.

Nous ne serons pas engagés aujourd’hui. On se décide à mettre la soupe au feu. Au flanc de la butte, où la récolte est en gerbes, les hommes construisent des huttes de paille pour la nuit.

Avec le soir, une buée humide commence à monter des fondrières et du ruisseau. La nuit est claire. Sur un lit de paille, Déprez et moi, côte à côte, bottés et éperonnés, l’étui à revolver au flanc, nous nous endormons, la face sous les étoiles, plus brillantes dans ce ciel de l’Est que nous n’avons coutume de les voir.


Mardi 11 août.


Dès le petit jour nous sommes prêts à partir.

Des fantassins du 130e sont arrivés au village voisin, qui se nomme Ville-devant-Chaumont, pour y cantonner. En attendant l’ordre d’avancer, je lie conversation avec un petit sergent roux, à figure de chat.

— Ah ! me dit-il, vous êtes de Mayenne… Eh bien ! je ne sais pas s’il en reviendra beaucoup à