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drapés dans leurs couvertures, émergent d’entre les roues des pièces, de dessous les coffres, se secouent et s’étirent.

On creuse des foyers ; on court au bois, à l’eau. Tout de suite, le café chauffe dans les gamelles de campement.

Sur la route de Verdun, les régiments de ligne commencent à défiler. Ils vont au feu sans doute. La longue colonne rouge et bleue de l’infanterie ondule avec un mouvement souple de bête qui rampe. Les maisons du village et les verdures des clos, un moment, cachent les bataillons. Mais plus loin, sur les pentes dorées des collines, on perçoit, à peine sensible à cause de l’éloignement, la fluctuation des troupes en marche sur le ruban aminci de la route. Nous attendons l’ordre de harnacher.

La prairie, où nous sommes campés, d’un côté s’amollit en fondrières jusqu’à un ruisseau issu d’un moulin qui court parmi de grandes herbes, et, de l’autre, elle aborde un long vallonnement jalonné de gerbes. À l’est, une haute colline, aux pentes harmonieusement symétriques sous les orges jaunes et les blés fauves, semble une montagne d’or au soleil.

Dans l’herbe, derrière nos chevaux attachés par pièce en lignes parallèles, le harnachement fait des taches sombres. Nous nous sommes couchés là sur des couvertures. Les selles, dressées sur le