Page:Lintier - Ma pièce, 1917.djvu/55

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

coupent en ombres sur les grands feux du bivouac.

Un peu plus loin, dans un pré où la 10e batterie dort déjà, hommes et chevaux dans l’herbe et la rosée, nous formons le parc.

Il faut coucher à même le sol et il s’engage entre conducteurs et servants une lutte d’astuce pour la possession des couvertures des chevaux. La plupart des hommes s’allongent sous les caissons et sous les pièces, où l’humidité de la nuit est moins pénétrante. Quant à moi, garde-écurie encore, il me faut veiller aux chevaux attachés côte à côte à une corde tendue entre deux piquets. Ils ruent et se mordent ; leurs colliers d’attache sont trop lâches. Ils s’en débarrassent et s’enfuient dans les champs. Ma nuit se passe en courses folles. Un petit cheval noir se fait poursuivre pendant plusieurs heures. Je ne m’en saisis, à la fin, qu’en faisant bruire quelques grains d’avoine au fond d’une musette-mangeoire.

Le fouet à la main, mouillé jusqu’aux genoux par la rosée, en conscience j’accomplis mon métier de charretier.


Lundi 10 août.


Trois heures du matin. La silhouette grise d’un dirigeable passe sur les étoiles. Ami ou ennemi ?

Au petit jour le parc s’anime. Les hommes,