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DEUXIÈME PARTIE

LES MARCHES D’APPROCHE


Nous passons la Meuse. Le soleil est couché. L’occident est rouge et la rivière, entre des îles marécageuses et les joncs des bords, à cette heure paraît rouler du sang. Demain, après-demain peut-être, elle en roulera vraiment. À ce moment indécis de l’extrême crépuscule, je ne sais pourquoi les reflets sanglants de la Meuse m’émeuvent.

La nuit se clôt, une nuit claire où, parmi les étoiles, inquiet, je cherche les lueurs des projecteurs. Au bord de la route, dans un parc à bétail de l’armée, un troupeau innombrable dort. Tout serait absolument calme et silencieux dans la campagne, sans le grand roulement sourd de notre colonne en marche. Les dernières résonances du jour et les premières lueurs de la lune, qui va se lever à l’orient, se mêlent en une clarté diffuse tout à fait étrange.