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m’étreint. Reviendrai-je ? Oui ! oui ! j’en suis sûr. Mais pourquoi en suis-je sûr ?…


Connéré-Beillé. Je suis assis sur une balle de foin entre mes huit chevaux. À tout instant, malgré mon fouet, ils happent le fourrage et soulèvent mon siège. La porte du wagon est grande ouverte sur la campagne ensoleillée.


Dimanche 9 août.


Depuis quinze à dix-huit heures déjà, le train roule. Je suis garde-écurie. C’est là qu’on est le moins mal pour un pareil voyage. Couché sur le foin que j’ai secoué, j’ai dormi la tête bien encadrée par les panneaux matelassés d’une selle.

Les chevaux, presque tous gourmeux, qui me bavaient sur la figure et éternuaient, m’ont éveillé. Déjà il faisait jour. Un brouillard d’été, très dense, flotte à hauteur d’homme sur les prairies. Le soleil, qui le perce par endroits, met dans les herbes un infini scintillement de rosée.

Assis aux portes grandes ouvertes des fourgons, pieds ballants, les canonniers regardent défiler les paysages. Les trains vides qui croisent notre convoi effraient nos chevaux qui hennissent. Où allons-nous ? Nos officiers eux-mêmes ne le savent