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essaie là, et qui, sous le harnachement, se rebiffent, ruent et finalement s’empêtrent dans les traits, lèvent des nuages de poussière.

En hâte, les femmes s’écartent, entraînant leurs enfants, pour éviter un cheval ou la roue menaçante d’un caisson. Mais entêtées, fiévreuses et comme enivrées de mouvement, de lumière et de bruit, elles restent là malgré tout. Et, lorsqu’un train passe, une bordée étonnante de cris aigus s’élève de leurs groupes que forment, déforment, dispersent et compriment les dangers de l’avenue.

À la porte de la cidrerie Toublanc, des fleurs, des rubans en bouquets, en gerbes, en pluie jonchent le trottoir, couvrent les affûts des canons, les caissons, les avant-trains. Des femmes, des jeunes filles apportent des hortensias, des glaïeuls et des roses à brassées. Leurs visages avivés par le soleil, par l’émotion de l’heure, leurs yeux brillants, leurs chevelures pleines de lumière apparaissent au milieu des fleurs. Comme la sentinelle ne doit laisser personne approcher, de loin elles jettent leurs bouquets. Des artilleurs qui achèvent le chargement des voitures, pour les remercier, leur envoient du bout des doigts des baisers qui les mettent en fuite.

Une petite fiancée est venue planter une grande gerbe tricolore sur la baïonnette d’une des sentinelles. Parmi les fleurs, l’acier luit.