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Déprez est allé chercher du linge chez sa blanchisseuse. Dans la boutique, une jeune femme, dont le mari, brigadier d’artillerie, est parti ce matin, lui a sauté au cou et s’est mise à sangloter.

Il rentre tout ému.


Une équipe de servants, avec quelques attelages, est allée chercher notre matériel de guerre aux docks. Le parc est établi sur le large trottoir de l’avenue de Pontlieue. Les platanes abritent nos 75 et nos caissons. Deux hommes, baïonnette au canon, veillent. Des femmes s’arrêtent pour contempler les pièces. Il y en a qui hochent la tête.

Il paraît que nous embarquerons demain soir. Nous commençons à nous ennuyer ici ; nous ne savons à quoi occuper nos journées. Je vais dormir dans notre bicoque, au fond du jardin. Il y fait sombre et frais. Le soleil, par la porte ouverte, dore seulement un grand rectangle de paille, où traînent des musettes et où brillent des armes. La lumière est superbe aujourd’hui, fine, légère, et comme le soir vient, l’air s’emplit de ces moucherons qui tourbillonnent et qui, dit-on, annoncent le beau temps.

J’ai pu sortir un moment. Les femmes aux yeux rouges, du geste, de la voix, du regard, nous enveloppaient de tendresse, nous, surtout, les jeunes, qui partons les premiers.