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froyable, sanglante, la mort peut-être bientôt pour moi. » Je n’éprouve aucune émotion. Je ne crois pas. Il est vrai que devant le cadavre d’une personne très chère, au premier moment, on ne croit pas non plus à la mort.

Assis sur une caisse, j’écris ces notes sur le fond d’une barrique. Le garde-écurie, qui m’observe depuis un moment, vient jeter un coup d’œil par-dessus mon épaule :

— Nom d’un chien ! me dit-il, t’en as dans le moulin !


Lundi 3 août.


On ne sait pas encore ce matin si la guerre est déclarée, mais on dit que Metz a été incendié et d’aucuns disent même que Metz est pris. Des aéroplanes et des dirigeables français auraient fait sauter les poudrières de la place. On dit que Garros a détruit un zeppelin monté par vingt officiers. On dit qu’à la frontière nos aviateurs ont tiré au sort à qui se lancerait à l’abordage des dirigeables ennemis. On dit que les Allemands ont passé hier notre frontière en trois endroits. Mais hier on disait que nos soldats, malgré leurs chefs, avaient pénétré en territoire allemand. On dit… on dit… on dit à la fois les choses les plus sensées et les choses les plus folles.