Page:Lintier - Ma pièce, 1917.djvu/34

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ries seraient commodes, sans le voisinage de sales latrines qui les empestent.

On a installé le logement des hommes au fond d’un verger planté de cassis et de pêchers, dans une bicoque qui ne semble échapper à la ruine que grâce à l’étreinte de vignes et de vignes vierges qui nouent et mêlent leurs branches sur ses murs décrépits. Les raisins sont déjà gros. La récolte prochaine sera belle… Où serons-nous lors des vendanges ?


On s’inquiète à peine de savoir si la guerre est déclarée : quelques phrases de diplomates prononcées ou à prononcer ! La guerre est déjà une réalité. On le sent. Quand partons-nous ? C’est la question qui nous occupe presque uniquement. Personne n’y peut répondre.

Les hommes sont toujours gais, insouciants, beaucoup moins nerveux qu’hier. Je ne sens pas peser sur mon esprit le poids énorme de soucis que je prévoyais pour une heure pareille. Je voudrais demander à tous mes camarades : « Croyez-vous avec votre cœur que dans quelques jours nous serons au feu ? » Et s’ils me répondaient : « Oui », je les admirerais, car moi, si je suis calme devant l’abîme béant, c’est que ma sensibilité ne l’a pas encore sondé.

Je me répète : « C’est la guerre, la guerre ef-