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dons… La bouteille est restée penchée au bord du verre. Je dis :

— Ça y est !

Le Mée fait oui du front. Nous courons à la fenêtre. Dans la rue, vers le quartier d’artillerie, on découvre une houle de têtes. Tous les visages reflètent la même expression de stupeur, d’angoisse et d’égarement. Dans tous les yeux passe la même phosphorescence étrange. Des voix de femmes chevrotent, s’étranglent.

— Allons, Le Mée, à votre santé, et que, dans quelques mois, nous puissions trinquer ensemble.

— À notre chance !

Au trot, le sabre au bras, nous rentrons au quartier. Cette nuit-là, nous couchons encore dans nos lits.


Dimanche 2 août.


Mon sac est prêt. J’ai roulé des mouchoirs avec mon manteau.

Un maréchal des logis passe dans les chambres.

— Tous les hommes au bureau !

Le chef commence la distribution des livrets individuels et des plaques d’identité.

La mienne porte d’un côté : « Lintier Paul », et au-dessous, « E. V. (engagé volontaire). Cl. 1913 » ; de l’autre : « Mayenne, 1179 ».