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gagne. Je me couvre les jambes de paille ; je m’endors.


Lorsque je me réveille, il fait encore nuit… Il pleut, ou plutôt, il bruine. J’ai plus froid. Ma blessure me fait mal. La vérandah est toujours éclairée.

J’entrevois la grande forme du noir, étendu près de moi, mais je n’entends plus son souffle. J’avance ma main ; la sienne est froide. Sous moi, il me semble que la paille est humide. Je m’aperçois que mes pieds trempent dans une mare de sang.

Je me lève. Les grands blessés sont pansés. Dans la cuisine de la ferme, on a fait du feu ; un Algérien très pâle sommeille devant les chenets. Sur la cheminée, un réveil-matin, entre des chandeliers de cuivre, marque deux heures.

On me panse. Il n’est pas question de me couper le pouce. Un sous-officier prend mon nom. Sur la bande de toile, qui tient mon bras en écharpe, on épingle un billet d’hôpital : « Plaie pénétrante de la main gauche par shrapnell : à évacuer assis. »


Mercredi 23 septembre.


La grande route, huit kilomètres à faire à pied. Le long du chemin, le troupeau des hommes blessés à la tête, aux bras, aux épaules, peu à peu