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feu. Il me semble que l’homme s’abat dans les ronces.


Dans la nuit, à Canny, un falot rouge indique l’entrée de l’ambulance. Il y a des blessés étendus sous le porche et la cour en est pleine. Les majors font les pansements dans une vérandah contiguë à la maison de maître. À travers les verrières multicolores, une lumière très diffuse filtre, éclaire vaguement les hommes étendus sur de la paille. Parfois, lorsque la porte de la vérandah s’ouvre, un rectangle de clarté crue s’allonge à terre ; une file de brancards apparaît. On aperçoit les faces douloureuses des grands blessés, qui attendent les premiers soins. Deux infirmiers emportent le premier brancard de la rangée. La porte se referme sur eux et la cour retombe à une pénombre louche.

Je regarde cela, hébété, très las. Ma main saigne toujours, mais goutte à goutte, à présent.

Je demande à un infirmier qui passe :

— Sais-tu quand je vais pouvoir être pansé ?

— Cette nuit. Couche-toi dans la paille.

Je me couche au hasard. Une voix, enfantine et grave à la fois, m’interroge :

— Ti blessé ?

Un grand nègre est étendu à mon côté. Je ne vois de lui que deux yeux luisants.