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Un capitaine se dresse. Il me fait signe de la main.

— Viens ici, l’artilleur, que je te fasse ton pansement. Tu as ton paquet individuel ?… Dans la poche intérieure de ta veste… Mon vieux, il est tout déchiré. Tu es blessé à la poitrine ? Non !… tu as de la veine…

Il examine ma main.

— Dégueulasse !… de la terre… de la graisse d’armes… Faut te débrouiller pour te faire désinfecter au plus tôt… J’enlève le plus gros avec de la ouate.

La course m’a essoufflé. Le sang me martèle les tempes, me bourdonne dans les oreilles. L’instinct de conservation ne me porte plus. Debout, immobile, je me sens défaillir ; mes jambes fléchissent, comme brisées aux genoux. Devant moi la silhouette du capitaine tourne.

— Eh ! là ! crie-t-il.

Il me met aux lèvres le goulot de son bidon et me verse dans la bouche une grande gorgée de rhum. Tout de suite, je me sens raffermi des pieds à la tête, et je ris en remerciant le capitaine.

— Eh ben, mon vieux ! me dit-il en souriant.

Il achève son pansement.

Les ambulances de la division sont à Fresnières. J’y vais. Ma main est en plomb. Et, comme je marche à travers champs, très droit, me raidissant