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sang à pleine bouche, s’éloigne, soutenu par un camarade.

On s’est immobilisé sous le feu.

Depuis un moment, je sens, dans ma barbe de campagne, des démangeaisons insolites. Aurais-je des poux ? Hutin me prête sa glace, mais, tandis que je me peigne soigneusement, à la main droite qui tient la glace et que j’ai avancée hors de la protection du caisson, je sens une soudaine brûlure. En même temps, quelque chose me heurte à la poitrine. De ma main gauche, fébrilement, je tâte le drap de mon uniforme. Il y a un accroc à hauteur du sein. Je me sens pâlir. Vite je déboutonne ma veste, ma chemise… rien… il n’y a rien. La peau est intacte.

Mon carnet de notes, mes lettres, mon portefeuille, placés dans une poche intérieure de ma chemise, ont arrêté la balle. De ma main traversée, le sang ruisselle. Ce n’est rien. D’instinct, j’ai mis la glace dans ma poche. Je ne sais comment elle est demeurée intacte entre mes doigts serrés ; car, à présent, mon pouce n’est plus qu’une loque de chair pendante.

— Il va falloir vous en aller, me dit le lieutenant Hély d’Oissel, accroupi près de moi.

Hutin s’est dressé :

— Lintier !

Il a crié mon nom d’une voix vibrante d’an-